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LES PIERRES COMME LES NUAGES… BOUGENT.

Christine Cayol

Quelle force étrange pousse le bambou à s’orienter vers le ciel?Nul ne peut répondre à cette question sauf à entrer dans le mouvement du bambou lui-même et à en saisir le《li》son principe interne, sa forme en devenir. C’est ainsi que pour Su Dongpo, il faut que le bambou croisse d’abord dans le coeur de l’homme pour qu’il puisse s’exprimer sur le papier.
Face aux oeuvres de Li Xin, osons la même question: quel est ce mouvement interne qui dans chaque oeuvre conduit l’eau à couler, descendre sur le papier, le froisser, au risque de le perdre?
Ces paysages, encres et huiles《descendent》du ciel, l’eau des nuages y rejoint celle qui souvent perle sur nos visages, larmes du coeur reliées à des visages du passé.
Li Xin suit le movement d’une eau qui pleure. On peut pleuer de tristesse mais aussi d’émerveillement et de bonheur. L’essentiel est de ne pas chercher à arrêter ce mouvement et d’accompagner I’eau sur la toile ou sur le visage. Les larmes du présent viennent d’un lointain passé, mais elles sont aussi des sillons pour un avenir qui se crée.
Calligraphe dans I’âme, chez ce peintre résolument contemporain, I’eau n’est pas un élément parmi d’autres, c’est elle qui guide I’oeuvre tout en lui conférant sa part de risque et d’instabilité. L’eau fait ici le travail que les artistes lettrés confient à l’encre dans la peinture traditionnelle, c’est elle qu’il s’agit de suivre comme le 《surfer》 épouse la vague, qui lui permet d’inventer des formes tout en risquant de l’engloutir à chaque instant.
Depuis dix ans, le peintre cherche et trouve son propre chemin. Reconnu aujourd’ hui des plus grands critiques et collectionneurs européens, ce travail silencieux et discret ouvre pour l’art contemporain chinois une voie d’avenir, étroite et authentique. 《Celui qui a la capacité de comprendre et d’integrer l’héritage de nos ancêtres peut aussi créer du nouveau sans attachement pour le passé. Mais de nos jours, nous rencontrons difficilement ce genre d’homme…》Shi Tao. Propos sur la peinture du moine Citrouille-Amère.
Ce genre d’artiste est difficile à classer également, des vagues de Ma Yuan aux monochromes de Rothko, le chemin est loin d’être linéaire, ce n’est d’ailleurs pas d’un chemin qu’il s’agit, mais d’une remontée aux sources, à l’enfance, au temps qui se condense et que l’on célèbre dans des tonalités douces mais fermes.
Li Xin se nourrit de peintures anciennes, de calligraphies et de poèmes. Il a découvert Rothko tardivement, s’étonne que I’on puisse rapprocher les monochromes inquiets de l’abstraction occidentale de son jardin Zen. C’est parce que nous avons toujours besoin de comparer, de reconnaître et d’établir des parentés. Les seuls liens qui méritent ici d’être faits relevent d’une nécessité interne qui relie entre elles les encres et les huiles, les grands et les petits formats, le présent et le passé, comme les variations silencieuses d’une gorgée de thé.
On s’émerveillera ou bien I’on s’ennuiera devant ces paysages gris et bleutés. Une oeuvre exigeante requiert des spectateurs exigeants et même des participants, capables eux aussi de sentir au coeur d’une seule couleur les ondes chromatiques du changement.
Aucune oeuvre de Li Xin ne ressemble à une autre. Parce qu’aucune larme n’est comparable à une autre et qu’il arrive que la pierre comme le nuage bouge selon un imprévisible mouvement.
《Shi ru Yun dong》, cette expression désigne un admirable effet pictural mais aussi une attitude spirituelle. Lorsque Mi Fu vit un paysage peint par Li Cheng, il sentit cette pulsation du coeur qui confère aux pierres et aux montagnes un mouvement.
《Shi ru yun dong》: le léger devient lourd et le lourd léger. Cette devise pourrait être inscrite à l’entrée de l’exposition, une facon de révéler le monde sans jamais s’y fixer.

 

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